jeudi 14 juin 2012

Manuel Teixeira aveugle face à ses crimes

Il aimait sa femme et sa fille à la folie. Pourtant, il leur a fait vivre l'enfer avant de les massacrer. Il reconnaît ses crimes. Pourtant, il se révèle incapable de les assumer. Manuel Teixeira reste une énigme.

HIER matin, Manuel Teixeira, 42 ans, apparaît hagard et fatigué au moment de prendre place dans le box de la cour d'assises des Ardennes pour répondre du double meurtre de son épouse Florence et de leur fillette Amélie, 9 ans. L'accusé - avec son front dégagé, son teint blafard et ses pommettes saillantes que soulignent des traits tirés - balaie méthodiquement l'assistance de son regard vide, tout en se frottant nerveusement les mains. « Je ne comprends toujours pas comment j'en suis arrivé là. J'aime ma femme et ma fille », lâche-t-il, monocorde, avant d'étouffer un sanglot dans son mouchoir à carreaux.

Le ton est donné. Manuel Teixeira ne semble toujours pas en mesure d'appréhender les ressorts de la furie meurtrière qui l'ont conduit à massacrer sa femme et sa fille, ce funeste 18 avril 2009. Tout comme il paraît incapable d'expliquer pourquoi il n'a eu de cesse de harceler, de menacer et d'exercer des violences à l'encontre de Florence au fil des mois qui ont précédé la tragédie.
"Je l'aimais à la folie"
Le premier incident remonte à juillet 2008. Convaincu à tort que son épouse partage des moments privilégiés avec son employeur à l'heure du déjeuner, il fait irruption à l'entreprise. Il pointe un revolver chargé sur la tête du rival présumé avant d'armer le chien. « J'ai démarré comme un boulet de canon », reconnaît-il aujourd'hui. Comprenant sa méprise, Manuel Teixeira repart en s'excusant, non sans avoir giflé son épouse. « J'étais jaloux parce qu'elle allait manger avec lui et que je le lui avais interdit. J'aime trop ma femme pour qu'elle aille avec un autre », explique l'accusé. « Ça a fait comme un flash dans ma tête. Sur le coup de l'énervement, je ne me contrôle pas car je l'aime trop », poursuit-il.
D'ailleurs, Manuel Teixeira ne tarde pas à récidiver en dépit d'une condamnation à six mois de prison avec sursis. Il menace encore et encore de tuer son épouse si elle ne renonce pas au divorce, au point de la plonger dans une terreur quasi-permanente. « Quand je suis énervé, je dis des choses que je ne pense pas. Ça me faisait tellement de mal qu'elle ne comprenne pas les choses que je voyais rouge à chaque fois », commente-t-il. « Elle était à ce point votre chose? », interroge la présidente, Patricia Ledru. « Je l'aimais à la folie. C'est vrai qu'il ne fallait pas qu'elle m'échappe. Je suis jaloux. On va dire que je suis très jaloux », concède-t-il.
« C'est un jaloux pathologique et méfiant qui agit avec autoritarisme », confirme l'expert psychiatre à la barre. Pour autant, lui et son collègue ne sont pas parvenus à décrypter le passage à l'acte de Manuel Teixeira, « une personnalité paranoïaque qui s'exprime par sa jalousie ».

"Ta mère je vais la saigner"
« Dès que l'on aborde le contexte des faits, il ne se souvient pas. Comme s'il arrivait à mettre entre parenthèses le passage à l'acte de son crime », poursuit l'homme de l'art. Et d'indiquer : « Il élude les questions parce qu'il a honte ou parce qu'il est incapable d'assumer ses actes. » Le 28 novembre, Florence tire la sonnette d'alarme une nouvelle fois. Elle a reçu un coup de coude dans le nez parce qu'il n'a pas réussi à la joindre sur son téléphone portable. Et il menace de la tuer : « Il faut que ça explose. Si je ne le fais pas, je paierais quelqu'un pour s'occuper de ton cas. » « J'étais trop énervé », dit-il aujourd'hui.
Manuel Teixeira est condamné à dix mois de prison dont cinq avec sursis et mise à l'épreuve. Ce qui ne l'empêche pas d'acquérir de nouvelles armes à la première occasion. « J'aime bien les armes. C'est une passion. Les couteaux, j'aime bien ça mais je ne pensais jamais m'en servir. Encore une fois, je n'ai jamais voulu faire de mal à ma famille. Jamais de la vie », clame-t-il depuis le box. Ça ne l'empêchera pas de dire peu après à sa fille aînée Elodie : « Ta mère, je vais la saigner. » « Je l'ai saignée mais je ne me rappelle pas avoir dit ça », ose-t-il préciser devant la cour d'assises. « Vous lui faisiez vivre un enfer », l'interpelle Me Didier Seban, avocat de la partie civile. « Je ne pouvais pas la laisser partir. J'ai travaillé comme un fou pour construire tout ça. Ce n'était pas ma chose, je l'aimais trop », répète-t-il. Sa franchise, empreinte d'une certaine naïveté, fait froid dans le dos.


« Il a une attitude de déni qui constitue un mécanisme de défense », résume l'expert psychiatre. « Peut-il présenter un état de dangerosité en dehors d'une relation exclusive et passionnelle ? », s'inquiète Me Ahmed Harir, qui a la lourde tâche de défendre Manuel Teixeira. « Il a montré une dangerosité exceptionnelle. Mais s'il est de nouveau confronté à une relation passionnelle, il est probable qu'il redevienne dangereux », estime l'expert. « Peut-on envisager une altération de son discernement ? », poursuit l'avocat carolo. « On peut ne pas être maître de soi et rester un justiciable », achève l'expert.

http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/assises-manuel-teixeira-aveugle-face-a-ses-crimes

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